Voilà,
nous y sommes ! Une année à patienter avant de revenir en Téranga. Cette
fois François et moi avons dû prendre l’avion pour atteindre la Casamance et
Ziguinchor. Ah oui j’oubliais, ne cherchez pas sur une carte, la Téranga c’est
l’autre nom du Sénégal et signifie « le pays de l‘hospitalité »
Arrivant
à Dakar le 14 juin nous avons repris l’avion dès le lendemain pour Ziguinchor.
En effet le ferry qui fait la liaison habituellement entre ces deux ports est
en carénage. Nous ne serons donc pas cette année accompagnés par les dauphins
en arrivant en Casamance.
Par
contre l’avion va nous permettre de découvrir cette mangrove qui s’étale à
perte de vue autour du fleuve Casamance. Spectacle magique que ces serpents
liquides qui s’entrecroisent en s’infiltrent au sein d’une forêt de
palétuviers.
Près
de 40° à la descente de l’avion, nous nous y attendions mais tout de même, cela
fait un choc. Premiers sourires partagés avec Pierre Marie, notre relais à
Ziguinchor, qui nous accueille dès notre arrivée.
Nous
retrouvons rapidement nos repères. Les lieux, les visages nous apparaissent
presque familiers, c’et comme si nous étions partis la veille. Ziguinchor est
une ville agréable, verdoyante, pas de grands immeubles, peu de circulation et
la proximité du fleuve qui donne un peu d’air. De plus nous sommes en fin de
période de saison sèche. La période « d’hivernage » va bientôt
s’installer avec ses très fortes ondées qui déchire le ciel et envahissent
toutes les rues de la ville, mais nous en sommes encore préservés. Seul regret,
les colonies de cigognes et de pélicans n’ont pas encore installé leurs
quartiers d’hiver. Pour se consoler nous pourrons admirer les flamboyants, ces
grands arbres majestueux qui à cette époque de l’année colorent et fleurissent
la ville de leurs teintes rouge sang.
Cette
année nous allons cheminer dans de nombreux quartiers de Ziguinchor car François
et moi voulons voir les 40 enfants accompagnés par Double Horizon à Ziguinchor
ainsi que leurs familles, ce que nous n’avions pu faire que partiellement l’an
dernier.
Chacune
de ces rencontres sera un beau moment de partage, la Téranga porte bien son
nom. C’est toujours pour moi une grande leçon et une grande émotion que de voir
ces personnes fort démunies nous accueillir avec un large sourire, ne se
plaignant jamais de leur situation parfois bien précaire. Ils ont de plus un
très grand sens de la solidarité et de la famille (élargie). Bien souvent
l’enfant que nous accompagnons a été recueilli par l’oncle, la tante ou un autre
membre de la famille car orphelins de père et/ou de mère ou séparés de leurs
parents, ces derniers travaillant dans de villages éloignés. Et cela leur
semble tellement naturel…
Le
plus souvent nous sommes reçus dans la cour que partagent plusieurs familles,
parfois c’est dans la pièce unique qui sert de chambre-salon que nous nos
regroupons pour échanger. Les discussions avec les enfants sont souvent un peu
réduites (est-ce que la vue du toubab les intimide ?). C’est avec les
parents que nous échangerons le plus et avec quel plaisir de les entendre nous
compter leur quotidien, sans pathos, le sourire aux lèvres. Une certaine
complicité s’installe bien souvent et ce sont de grands éclats de rires que
nous finissons par partager.
Nous
aurons aussi l’opportunité de retrouver Marie-Thérèse, étudiante de 24 ans que
l’association accompagne depuis 10 ans. Que cela fait du bien d’entendre cette
jeune femme nous expliquer qu’elle passe en 3eme année à l’université de
Ziguinchor en Agroforesterie et qu’elle va prendre la spécialité Aquaculture
ayant fait le constat suivant, je la cite « je me suis rendue compte que le coût
des poissons est élevé et les revenus familiaux sont moyens, compte tenu de
l’apport nutritif de ces derniers on doit veiller à leur présence dans les
foyers » no comment !!!
Un
autre moment marquant a lieu à l’occasion des retrouvailles avec Charles Mingou
le fondateur de l’école Marie Brigitte Lemaire. Le ‘’Vieux’’ comme l’appelle
affectueusement et respectueusement ses enfants a été opéré l’an dernier d’une
tumeur au cerveau. Celui-ci nous accueille pourtant avec une belle énergie et
l’oeil toujours aussi vif et perçant. Nous échangerons longuement avec lui et
Serge son fils. Le ‘’grand Charles’’ (là, c’est moi qui l’appelle ainsi) est
toujours aussi déterminé à développer son école pour le bien des enfants de ce
quartier bien pauvre de Ziguinchor. Là où je reste sans voix c’est lorsqu’il
nous demande de remplir un bulletin d’adhésion à Double Horizon afin de faire
partie des donateurs !!! Il nous remet un billet de 5000 FCFA précisant
que le geste était sans doute symbolique mais important vis à vis du soutien à
l’action de l’association aux enfants du Sénégal. J’avoue avoir eu la gorge
particulièrement serrée et ce n’était pas à cause de la soif …
Cinq
jours cela passe vite, très vite surtout lorsque ces belles rencontres se
succèdent. Un dernier très beau moment fût l’occasion donnée de participer à
l’anniversaire des 125 ans de la Cathédrale de Ziguinchor. Voir ces jeunes
curés en grandes tenues, chasubles blanche immaculées, participer aux danses
traditionnelles Diolla et faire la chenille au son d’amplis énormes et
puissants installés sur la place, c’est quelque chose!
Pierre-Marie
qui aura été notre guide tout au long de ces journées aura été d’une aide des
plus précieuses. Nous aurons pu également constater combien son implication est
forte auprès des enfants, des familles mais également auprès des responsables
des établissements scolaires accueillant tous nos jeunes.
Retour
à l’aéroport pour Dakar où 3 journées pour faire le tour de tous nos enfants et
de nos jeunes ne seront pas de trop. Malheureusement nous ne retrouverons pas
Abdourahmane notre relais sur Dakar, celui-ci ayant été missionné par Tostan
une structure de l’UNICEF pour intervenir en Gambie durant notre venue. Nous
effectuerons donc des points téléphoniques avec lui. Heureusement nous
retrouverons Pape Sene le directeur de l’école Progrès Excellence qui nous
guidera durant ces journées.
Dakar
c’est l’anti Ziguinchor ! J’avoue ne pas être séduit par cette grande
ville bruyante, encombrée, polluée. L’avantage c’est qu’il y fait moins chaud
qu’à Ziguinchor (28° à notre arrivée mais 35° le jour de notre départ).
Le
quartier de Dakar où nous intervenons est celui de Pikine/Guédiawaye. C’est un
quartier très pauvre mais bizarrement beaucoup plus sympa que le centre de
Dakar. Les gens y sont tranquilles, souriants et disposés à vous aider
simplement pour rendre service.
Comme
à Ziguinchor nous voulons voir toutes les familles. Déambuler dans cette
banlieue pauvre de Dakar c’est vraiment une expérience. Heureusement il fait
beau et il ne pleut pas car là cela devient dantesque !
Et
partout et toujours ce même accueil sourire aux lèvres, François et moi
ressentons physiquement cette hospitalité, la Téranga est là !
Je
pourrais conter chaque visite, chaque échange, chaque lieu car chaque rencontre
est chaleureuse et enrichissante. J’en choisirais deux et ne m’en veuillez pas
ce sont deux de mes chouchous. Tout d’abord Malik que nous retrouvons chez lui
(habitat le plus pauvre que nous aillons côtoyé, vous imaginez) Malik est à
présent un jeune garçon de 16 ans, il entre en 4eme. Bien sûr il est en retard
mais la raison en est simple, il a découvert l’école que très tardivement. Il
est vraiment sympa, ouvert, il s’accroche pour bien travailler. Je regarde son
carnet et constatant qu’il est faible dans certaines matières (dictée et
anglais) lui demande s’il ne pourrait pas travailler un peu ces matières le
soir. Et là il me répond avec beaucoup de douceur que c’est difficile pou lui,
il n’y a pas d’électricité chez lui …
L’autre
rencontre ce sont les retrouvailles avec Aminata. Aminata, écrivain en herbe
qui l’an passé nous avait fait cadeau de deux superbes poèmes. C’est une jeune
fille de 18 ans que qui se présente à nous. Ce qui me frappe chez elle c’est
tout d’abord son langage très châtié, posé, réfléchi. Elle nous fait part de
son année scolaire, nous présente son très bon carnet de notes, nous dit ne pas
être cependant satisfaite de son année, « les enseignants ont été
longtemps en grève et les troubles liés aux élections ont été très
perturbants. »
Enfin
elle nous remet un long texte sur les évènements de l’année 2012 au Sénégal et la
démocratie. C’est très émouvant pour moi dans ce contexte, dans ce lieu, face à
cette jeune fille de recevoir ce présent. Je suis très fier d’Aminata, c’est
une belle récompense pour François et moi et tous les donateurs de
l’association. (Ce texte je vous le proposerais prochainement).
Je
m’aperçois en relisant ces lignes que je suis injuste. Chaque enfant, chaque
famille, chaque personne rencontrée durant ce séjour aurait eu droit à un petit
mot de ma part. Qu’ils ne m’en veuillent pas, je ne les oublie pas.
Voilà
nous sommes dimanche. François est parti pour deux jours à Saint Louis et ce
soir je rentre à Paris. Cette dernière après-midi je décide de la passer à
Gorée. Le bateau qui fait la navette est rempli de touristes sénégalais et de
toubabs. Dès que nous accostons j’ai mon idée en tête, je prends une petite
ruelle qui mène au nord de l’île, je retrouve une tonnelle ombragée au bord de
l’océan, plus un visiteur à l’horizon, c’est le grand calme simplement perturbé
par le bruit du ressac sur les rochers noirs ébène. Je peux me poser, sortir
mon livre et jouir pleinement de ce moment précieux. Je revois tous ces
visages, ces sourires et me dis que décidemment, j’ai bien de la chance.